Le bloc de nuit avec Dave Graham

Dave Graham, athlète du Team Petzl, est un spécialiste du bloc de nuit. Il passe beaucoup de temps dans la nature sauvage à escalader les blocs les plus difficiles au monde grâce au simple éclairage d'une frontale. Ci-dessous il raconte comment il a découvert l'art de grimper la nuit, et il propose quelques astuces pour ceux qui souhaitent s'y mettre.

Dave Graham dans Zarzafar (8b+/v14), Zarzelejo, Espagne. Photo: © Oscar Carrascosa

A Ticino en Suisse, le légendaire Fred Nicole venait d'ouvrir Dreamtime, le premier 8C bloc au monde. J'avais 19 ans à l'époque et j'étais plus que motivé pour tenter cette belle ligne; du coup j'ai fait le voyage au mois de janvier. C'était en plein hiver, et les montagnes autour de la vallée où se trouve Dreamtime rendaient les journées encore plus courtes. Nous avons découvert que l'humidité nocturne persistait jusqu'à la mi-journée, du coup nous nous réveillions souvent en fin de matinée, arrivant au pied des blocs vers 13h, à peine trois heures avant que le soleil ne passe derrière les montagnes.

Nos amis suisses, des locaux de la petite ville d'Altdorf, nous avaient fait visiter les sous-bois du coin, et quand ils nous voyaient nous inquiéter des journées courtes, ils nous ont montré deux lanternes au fond de la pièce.

"Nous nous emballons ces deux lanternes, vous savez, et puis il n'ya plus de problème. En plus, les conditions sont parfaites!"

Nous regardions avec des gros yeux à ces deux lanternes à gaz, impressionnés par l'ingéniosité des suisses. Epoustouflés, nous réfléchissions. Cette expérience nous a ouvert plein de portes.

Le lendemain nous avons grimpé jusqu'à tard dans la nuit, et les sensations dans Dreamtime étaient incroyables grâce aux conditions plutôt fraiches. C'était à ce moment là que j'ai commencé à expérimenter avec différents outils. J'ai pu faire un gros pas en avant grâce aux lanternes à gaz, mais à cause de leur taille encombrante, les besoins en gaz, et les problèmes récurrents du manchon, elles s'avèrent plutôt obsolètes. Les nouvelles lampes Petzl les ont remplacées, engendrant une véritable révolution de grimpe la nuit, alimentée par des batteries.

Dave porte sa TIKKA RXP. Photo: © Oscar Carrascosa

Le bloc de nuit: le meilleur des mondes

J'ai partagé ces derniers mois entre les sites de bloc alpins du Colorado, les montagnes granitiques au dessus de Madrid, et les grandes étendues de gré en Afrique du Sud, et c'est délirant de voir à quel point le monde du bloc a évolué. A chaque nuit quand je rentre à la voiture, j'entends des cris venant des blocs éclairés au loin, et des formes sombres qui tournent autour de chaque morceau de pierre. Il y a des points de lumière jusqu'à l'horizon: des gens allant vers leurs projets, impatients de taper encore des essais, à la recherche d'un autre groupe de passionnés à la prochaine grappe de lumières qu'ils croisent.

Je fais souvent le choix de sortir la nuit au lieu de grimper pendant la journée. Je suis peut-être plutôt un couche-tard, mais il y a quelque chose d'incroyablement unique quand on parcourt la nature de nuit. Si vous cherchez une adhérence hors norme, ou vous avez simplement envie de continuer à grimper malgré les courtes journées hivernales, je pense que grimper la nuit est une bonne option que finalement peu de gens considèrent. Il faut s'y habituer car c'est un peu bizarre au départ, mais la nuit noire permet de vivre des moments d'escalade extraordinaires, dans une petite bulle de lumière, au dessus du sol, totalement concentré… Il faut juste mettre au point son système d'éclairage et tout roule.

Dans cette optique, voici quelques trucs et astuces à considérer si vous êtes partant pour essayer une séance de bloc la nuit.

Mettre au point un bon système d'éclairage

Quand vous allez éclairer votre projet, l'objectif est d'illuminer le bloc d'une lumière plutôt plate. Si l'intensité varie trop, les yeux auront du mal à s'adapter entre les différentes sources de lumière.

Afin d'arriver à créer un éclairage bien équilibré, j'aime déployer un système de deux lampes PETZL ULTRA. J'emmène avec moi trois batteries ACCU 4 à très haute capacité, ce qui me garantie une source de lumière fiable pour des longues séances de grimpe. Les batteries ACCU sont rechargeables, ce qui est très important. Il n'est pas forcément obligatoire de mettre la puissance au maximum, et avec deux lampes il est envisageable d'avoir un éclairage bien équilibré pendant au moins cinq heures.

D'une manière générale, je mets des petits cailloux ou branches à l'intérieures du bandeau élastique, le tout placé sur un sac à dos ou une veste. Il faut surtout éviter que la lampe tombe d'un arbre quand vous vous jetez vers la prise finale du bloc!

Remplir des espaces sans lumière

Des fois vous allez remarquer que le système principal d'éclairage crée des zones d'ombres sur certaines prises principales, les déformant ou les rendant plutôt abstraits. Afin d'éviter ce désagrément et de remplir ces espaces sans lumière que le système principal d'éclairage n'arrive pas à illuminer, vous pouvez employer une source de lumière plus petite comme la TIKKA RXP, qui éclaire le rocher d'une manière plutôt agréable grâce à sa technologie Reactive Lighting qui ajuste automatiquement son faisceau aux besoins en lumière. Il est même possible de programmer la RXP avec un ordinateur portable et de créer différents profils d'utilisation - lui indiquer par exemple d'utiliser uniquement le faisceau large et non pas le spot. La RXP est également rechargeable par câble USB, et du coup je ne risque jamais d'épuiser la batterie car je la recharge tous les jours grâce à l'adaptateur dans ma voiture.

Illumination personnelle

Quand je grimpe, je porte également une frontale afin d'éclairer des prises ou des particularités du rocher qui sont cachées par mon ombre. Je mets une TIKKA ou TIKKINA classique, puisque ces deux lampes sont compactes et légères - une fois mises, j'oublie qu'elles sont là. Des lampes compactes comme celles-ci se heurtent rarement contre le bloc ou contre des prises quand je suis tout près du rocher pendant un pas délicat - quelque chose d'important à considérer quand on grimpe avec une frontale. En général j'indique à ceux qui me parent d'éteindre leurs frontales. La grimpe sera d'autant plus difficile si les sources de lumière sont constamment en train de bouger car il est impossible de contrôler où se trouveront les ombres. 

Grimper plus intelligemment la nuit

Il ne faut pas oublier que grimper la nuit change le jeu énormément. Etre dans la nature sauvage après que le soleil se couche rajoute des nouveaux challenges à l'expérience vécue. Il est important de rester vigilant au sommet d'un bloc, ou quand on pare. Il faut être prêt quand le grimpeur termine le bloc et quitte l'espace éclairé pour s'embarquer sur du terrain plus sombre et énigmatique. Les pareurs doivent faire attention également comme il est difficile de voir quelqu'un tomber quand la source de lumière vient de derrière. Je vous conseille d'emmener plus de crashpads que d'habitude. Il est aussi conseillable de faire une reconnaissance de la descente du bloc avant de taper tout essai et également d'emmener sur soi de quoi éclairer la descente.

Au retour…

Après une séance nocturne, il faut bien faire attention à son environnement. S'il y a des prédateurs dans votre région, restez vigilant et faites la marche de retour à plusieurs. (Au Colorado nous avons des pumas, des bêtes terrifiantes.) Regardez également où vous mettez les pieds, il est assez facile de trébucher sur une buche ou un gros caillou pendant le retour alors que vous venez de dominer votre projet de plusieurs mois. Faite très attention si vous traversez ou descendez des éboulis car votre crashpad peut potentiellement vous déséquilibrer en tapant quelque chose. Tomber dans un trou ou un gouffre peut s'avérer bien déconcertant.