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Parcours d'un jeune guide #4 : Souffrance et plaisir

Nous l’avions quitté alors qu’il venait de réussir son proba de guide. Mais tout ne se passe pas comme prévu pour Antoine Rolle. Une santé qui lui joue de mauvais tours, des manip’ de corde incertaines et c’est aux rattrapages de l’Aspi 1 que l’on retrouve notre jeune guide. Plus déterminé que jamais.

11 Juin 2019

Alpinisme

Quelle buse ! On est début novembre et me voilà de nouveau à Chamonix pour passer les rattrapages de l’Aspi 1. Après avoir brillamment loupé l’examen des manip’ de corde, nous sommes cinq à réviser les noeuds en tous genres en attendant notre passage. Ce n’est en aucun cas une excuse, mais il faut dire que, pour moi, l’Aspi 1 ne s’est pas passé comme je l’espérais. J’ai depuis ma naissance quelques soucis de santé qui peuvent me rendre la vie dure. Pendant le mois d’août, j'ai eu plus d'une douzaine de jours de fièvre. Il a fallu enchaîner avec l’Aspi 1 sans réel repos adapté. J’ai compris, seulement plus tard, qu’il ne fallait en aucun cas sous estimer les stages d’Aspi. Sur le papier, nous exerçons une activité, l’alpinisme, mais dans la pratique, nous ne la "maîtrisons" qu’en amateur. Dans le cadre de la formation, l’intensité physique et mentale ne nous laissent que peu de repos. Même fatigué, la première semaine s’est plutôt bien passée. Nous avions deux heures de cours le matin et le soir, le reste de la journée se déroulait sur le terrain. Nous reprenions les bases et les fondamentaux de l’alpinisme, le maintien de la corde et l’évolution avec clients. On peut dire avec certitudes que notre cadre de travail est hors du commun. Entre arêtes et glaciers, chaussons et piolets, la semaine fut agréable et enrichissante. L’école du guide avait commencé.

Les montagnes sont belles, mais ce mois d'août fut difficile avec une douzaine de jours de fièvre pendant une expédition en Inde.

Retour à l'ENSA début septembre et reprise de la montagne, le corps se réhabitue en douceur. 

On révise les manip' et les techniques glacières encadrés par nos professeurs. 

La fièvre, pendant des jours

L’ambiance s’est vite inversée dès la deuxième semaine, consacrée à l’orientation et la cartographie. 40°C de fièvre et cloué au lit. Je retrouve alors mes vieux démons du mois d’août. Je sais que cette semaine nécessite davantage le bon fonctionnement de mes neurones que du physique. Mais dans cet état, rien ne marche. François Marsigny, chef du département "Alpinisme" à l’Ensa, m’autorise à manquer les cours en amphi pour me concentrer sur les cours de terrain. Le terrain, le problème est bien là. Mon corps ne répond plus de rien, alors même la balade champêtre devient l’expédition. Je me traîne difficilement sur le Plateau du Midi. Le mauvais temps est là et avec le jour blanc, c’est une parfaite application des méthodes d’orientation. Je fais de mon mieux pour participer mais mon attention se focalise sur mes pas. L’un après l’autre, ils retombent lourdement dans les traces déjà recouvertes par la neige. Ma tête ne répond plus et mon corps ne pense qu’à remonter à l’Aiguille. Un calvaire. 

Il faut jouer du temps et passer entre les gouttes comme ici à la Traversée des Perrons. 

Pause azimut pendant la semaine cartographie, qui se finira dans la douleur. 

Le lendemain, je suis simplement incapable de me lever et de retourner en cours. Le soir même, nous avons une course d’orientation (CO) de nuit. Elle est notée et il m’est impossible de la rater. Repos rime avec… antibio. Je me shoote, me permettant de tenir debout au départ de la CO. Un calvaire de plus. Il me faut courir sur le plat et marcher tant bien que mal dans les montées. Certains copains me doublent avec des encouragements réconfortants. Je la finis miraculeusement dans les temps, à quelques minutes près. La semaine se finit par une journée d’escalade artificielle, presque reposante. Quel soulagement. Pour moi, c’est direction la maison à Antibes et la salle d’attente de mon médecin. Je ne veux plus retourner à Chamonix et subir la même semaine. Je suis à bout. 

La plaisir par-dessus tout

Durant le weekend, la forme ne revient toujours pas. Pourtant n’ayant pas le choix, je dois me préparer mentalement pour continuer la formation. Mon docteur préférerait me voir en convalescence toute la semaine. Impossible. Je décide de remonter pour le mardi et donc de m’accorder un jour de plus de repos. On me fait alors comprendre que j’ai épuisé tous les jours d’absences autorisés. Autrement dit, je n’ai plus le droit à l’erreur. Au moins les choses sont dites. Il me faudra serrer les prises plus fort que tout lors de cette semaine de terrain d’aventure. Entre les fissures italiennes, les dalles de l’Aiguille du Midi et le rocher pourri du Parmelan, les gouttes de sueurs ont coulé à flot. Pas une journée n’a été simple. Les lumières douces d’automne rasant les sommets, les doigts épousant parfaitement quelques gouttes d’eau calcaire ou des rires s’envolant de la paroi : certains moments furent particulièrement plaisants. 

Après la fièvre, le corps est mis à rude épreuve sur le calcaire du Parmelan. 

Grâce à la bienveillance et la compréhension du prof et de mes collègues, j’ai repris goût à grimper. Après tout, nous sommes là pour apprendre mais pas au dépend du plaisir. Le guide n’est pas seulement quelqu’un emmenant un client en montagne. Sa vocation est également de faire découvrir et de transmettre sa passion de la montagne. La notion de plaisir doit être présente à chaque sortie. C’est avec celle-ci que j’ai fini ce premier stage à l’Ensa. Enfin, à un détail près : l’examen de manip’ de corde. On ignore, trop peu, les effets risibles d’un baudrier de fortune. Je me revois, tentant de nouer mes quatre-vingt mètres de corde autour de mon buste en espérant que cela ressemble à un baudrier. Mes examinateurs ont dû bien rire. Enfin cette fois-ci, je la connais par coeur et les rattrapages se déroulent parfaitement. Heureux ? Pas tant. Je pense déjà à l’Aspi 2 et au ski qui risquent d’être plus compliqué. Il faudra faire mieux mais tel est le prix pour devenir guide.

A suivre.

Fin du stage, il faudra revenir pour les rattrapages quelques semaines plus tard, mais le plaisir est là. 

 


Pour continuer à suivre la préparation d'Antoine au métier de guide de haute montagne, vous pouvez découvrir nos articles liés. Prochaine étape : Plus de peur que de mal. 

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