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Vie de famille et grimpe en falaise ne sont pas incompatibles

Dans leur vie, il y avait la grimpe. Une passion dévorante placée au centre de leur existence et impliquant de passer des heures en falaise, en toute saison. Mais un beau jour, le rôle de parent s’est invité dans l’équation. Que l’on soit grimpeur ou grimpeuse professionnel ou amateur, comment concilier vie de famille et escalade en falaise ? À quelles difficultés font face les jeunes parents ? Et surtout, comment les surmonter ? Bastien de Lattre, grimpeur et papa, mène l’enquête en croisant son histoire avec celles des familles Caprez et Fourbet.

13 Mai 2024

Escalade

2024 © PETZL Distribution - Jeremy Bernard

 

Mars 2019. Deux petits pieds, deux petites mains et une paire de joues dodues font leur apparition dans notre vie. Alizé vient de voir le jour. C’est avec beaucoup de motivation que nous nous lançons, Ariane et moi, dans la vie de parents, sans trop savoir encore ce que cela signifie. « Le papa veut-il donner le bain ? », me demande l’infirmière à l’hôpital. Je me demande de qui elle parle... Très vite, une vague nous submerge, entre couches, allaitement, réveils au milieu de la nuit et déjà, pour moi, le retour au travail. On ne pouvait pas imaginer l’intensité des premiers mois avec un nourrisson. Mille questions se bousculent dans notre tête et les nombreux tabous qui entourent l’aventure parentale nous privent de réponses. Par la force des choses, nous revoyons nos priorités et l’escalade, qui occupait pourtant une place centrale dans notre vie, est reléguée au second rang. Le bébé est mignon mais ne veut pas toujours dormir. Nous mettons en place des stratégies pour sauver le soldat Sommeil. Au milieu de ces soucis du quotidien, après quelques mois, une interrogation apparaît pourtant : comment retourner grimper ? 

2023 © PETZL Distribution - Arthur Delicque / Olivier Fourbet


Trouver des arrangements pour grimper en famille 

Cette question semble d’abord bien dérisoire. Comment ne pas imposer à l’autre une charge de travail supplémentaire ? Comment ne pas contraindre l’un à rester à la maison quand l’autre veut égoïstement aller prendre l’air ou s’entraîner à la salle ? Nous n’envisageons qu’une solution : aller grimper avec Alizé. Mais cette option comporte son lot d’obstacles et de doutes. Concrètement, comment faire ? Prendre la poussette ? Emmener un lit parapluie ? Trouver une nounou ? Pour Nina Caprez, grimpeuse professionnelle et jeune maman, cela ne s'improvise pas : « On avait vraiment réfléchi en amont à notre organisation après la naissance. On savait qu’on voulait embaucher une jeune fille au pair et je voulais avoir un pan d’escalade à la maison ». L’organisation, voilà le maître mot. Car en termes de logistique, nos premières tentatives de séances en falaise avec Alizé se révèlent plus proches de l’expédition au Pôle sud que de la journée chill au soleil. Je comprends maintenant pourquoi certains de mes copains ont abandonné la falaise à l’arrivée de leur bébé mais je reste convaincu qu’il est possible de concilier les deux.

« Avant d’avoir des enfants, j’allais beaucoup en falaise, témoigne Olivier Fourbet, passionné d’escalade, prof et papa de deux grands enfants de 23 et 21 ans. Avec Nathalie, ma compagne, on n’a fait que grimper pendant dix ans ». Devenus parents, leurs habitudes changent. « On n’aimait pas trop aller en falaise avec eux, reprend Olivier. Alors on a surtout fait du bloc quand ils étaient petits ». Pour ma part, habitant dans le Beaujolais, les sites de bloc sont un peu loin de la maison. Mais il est vrai qu’il n’y a pas mieux pour lier grimpe et pouponnage. Le crash pad est de loin la meilleure table à langer. La forêt, le sable et les pommes de pin sont autant de jeux à découvrir pour l’enfant que le grès, les arqués et les plats pour les parents. Passer de l’un à l’autre est si facile qu’il paraît tout naturel d’avoir une vie de famille au milieu des blocs. Pas étonnant donc qu’Olivier se remémore cette époque où ses gamins savaient à peine marcher comme de « très bons souvenirs » remplis de « vacances et voyages tous ensemble. C’est la période où j’ai fait le plus de bloc de ma vie ! Et ça m’a fait beaucoup de bien », sourit-il. Désormais âgé de 55 ans, Olivier reconnaît toutefois que le quotidien n’avait rien d’un long fleuve tranquille. « Il fallait tout gérer en même temps : la maison, les enfants, le travail, l’escalade, énumère-t-il. En fait, tu es speed tout le temps. On avait l’énergie pour mais aujourd’hui, ça me paraît hallucinant. Alors courage aux parents ! ». Ces bons souvenirs sont le socle d’une passion commune entre parents et enfants. Diego, le fils d'Olivier enchaîne maintenant les voies dans le neuvième degré. En 2023, il est médaillé d'or en difficulté aux Jeux européens. Lors de mes premières sorties en famille avec Alizé, le courage me semble en effet essentiel pour affronter les galères qui l’emportent sur le temps de grimpe. Mais rapidement, je constate que quelques astuces permettent de passer des journées en falaise réussies avec un bébé.

2023 © PETZL Distribution - Arthur Delicque


Conseil n°1 : bien choisir la falaise 

Pour mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut privilégier les petites marches d’approche. Le premier été d’Alizé, j’ai tenté d’aller à Ceüse, comme je l’avais toujours fait depuis vingt ans. Mais le cumul du poids du matos, des affaires du bébé et du bébé lui-même m’ont vite fait comprendre que je n’allais pas être dans les mêmes dispositions que d’habitude pour m’engager dans un 8a. 

Conseil n°2 : bien choisir la falaise, j’insiste 

« La priorité, c’est avant tout d’aller sur une falaise safe, résume Nina Caprez. Il y a toujours des chutes de pierres, des feuilles, des branches. Tu es dehors ! Et il est impossible de mettre un casque à un tout petit ». Il n’existe pas de SAV pour les bébés : il est donc essentiel de trouver des falaises où l’on peut les mettre à l’abri. Lorsque l’enfant découvre la marche, d’autres dangers apparaissent et il faut donc renforcer les critères qui font d’une falaise un lieu sûr, où l’enfant peut évoluer en toute liberté. Par ailleurs, après avoir ramassé une fois Alizé au fond d’un ravin, il m’est apparu essentiel de choisir des spots aussi plats que possible.

2023 © PETZL Distribution - Olivier Fourbet

À ces critères déjà difficiles à réunir (vous en connaissez beaucoup, vous, des falaises à plat, sans caillou qui tombent et sans marche d’approche ?), vient s’ajouter la nécessité de grimper en trio. Ce qui était auparavant synonyme d’attente au pied des voies est vite devenu la solution indispensable à une belle journée en falaise. « Parfois, on sépare les journées d’escalade, poursuit Nina Caprez. L’un de nous deux reste à la maison et l’autre va grimper. Mais on aime beaucoup aller en falaise en famille avec notre jeune fille au pair. Ce qui est important, c’est d’être plusieurs personnes de confiance qui sont capables de calmer l’enfant, de le réconforter, de lui donner à manger… Parce que si tu es en haut de ta voie, que tu entends ton bébé pleurer et que personne n’est là pour le calmer, c’est compliqué ». Chaque sortie s’articule autour de trois fondamentaux : assurer, grimper, faire la nounou. On échange les rôles à chaque essai et tout le monde est content. C’est ce qui permet de se concentrer un peu sur l’escalade, plutôt que de se demander ce que le bébé est en train de faire. Pour autant, ces journées s’accordent mal avec la performance. « S’il y a une voie que je veux enchaîner, je ne prends pas ma fille avec moi », explique Nina Caprez. Une fois sur place, certains parents parviennent à se concentrer sur leurs objectifs, tandis que d’autres ont déjà hâte de retrouver leurs petits. « J’ai pris l’habitude avec les enfants de grimper speed, abonde Olivier Fourbet. Je m’échauffais vite, je mettais trois essais et c’était plié, je pouvais rentrer. Car ça me faisait chier de passer la journée à la falaise alors que toute la famille était à la maison ». Malgré les contraintes, la logistique et les séances écourtées, ce n’est pas la frustration qui prédomine chez les jeunes parents. Au contraire, « c’est chouette d’avoir des journées en famille, s’enthousiasme Nina Caprez. Ça fait du bien d’être dehors et d’être bien entouré ».

Alizé a aujourd’hui 4 ans. Elle a inauguré son premier ouistiti, ses premiers chaussons, ses premières balançoires… L’aventure ne fait que commencer, surtout qu’en août 2022, un « numéro bis » est arrivé, Eli. Ces dernières années, mes enfants m’ont poussé à revoir mon approche de la grimpe en falaise. J’ai échangé avec de nombreux parents et j’en suis arrivé à cette conclusion : l’escalade peut se pratiquer en famille. Plus je regarde autour de moi, plus je constate que c’est possible. Nina Caprez, Olivier Fourbet, Florence Pinet, James Pearson et Caroline Ciavaldini sont autant d’exemples qui me font dire que les croix plus rares et la logistique un peu plus complexes valent le coup. Il n’y a pas de doute. 


Merci à toutes les personnes ayant participé à la réalisation de cet article : Bastien de Lattre et Pauline Boulet pour la rédaction ainsi que Nina Caprez et Olivier Fourbet pour les témoignages. 

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